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L’intelligence collective humaine est confrontée à de nombreux défis, tel celui de la disparition des pollinisateurs, dont le cas très médiatisé de l’abeille mellifère n’est que le sommet émergé de l’iceberg. Si certains préconisent des solutions de bon sens, comme la remise en question du modèle « tout chimique » de l’agriculture conventionnelle, d’autres estiment que les effets négatifs de la technologie peuvent être réparés par encore plus de technologie.

 

Des insectes obstacles au progrès

Prenons l’exemple de la tomate, l’un des légumes les plus consommés, donc les plus cultivés au monde, avec une production commerciale totale de 170 millions de tonnes en 2016 d’après la FAO. Elle est pollinisée en Europe par les bourdons, aidés dans le Midi par les xylocopes, les grosses abeilles charpentières.

Quand les hollandais ont commencé à produire de la tomate sous serre en hiver dans les années 1960, ils se sont aperçus que les ruches sur lesquelles ils comptaient pour polliniser les fleurs n’étaient pas suffisamment efficaces. Le pollen n’est libéré que lorsque la fleur est excitée par une vibration qui correspond à celle du vol des bourdons, pas de l’abeille mellifère. Ils ont donc fabriqué des vibreurs électriques et payé des gens pour exciter manuellement les fleurs de tomate.

Pollinisation de la tomate par vibration naturelle, et par vibration artificielle (prototype américain de vibreur bricolé pour petits producteurs).

Jusqu’à ce qu’un petit malin fasse fortune en trouvant l’astuce pour briser la diapose hivernale des reines de bourdon et leur loue un bon prix des ruches de bourdons. Avec des dégâts collatéraux non négligeables comme la raréfaction des bourdons en Turquie, où ils étaient prélevés dans le milieu naturel, ou l’émergence de maladies dans les élevages.

Une première solution : les OGM

Une équipe japonaise a publié en mars 2017 dans la revue Nature un article au titre abscond : « Rapid breeding of parthenocarpic tomato plants using CRISPR/Cas9 » que l’on peut traduire par « Production rapide de plants de tomate parthénocarpiques en utilisant des ciseaux moléculaires ». Par cette technique OGM, ils peuvent produire des plants de tomate, et prennent-ils soin de préciser, de nombreuses autres plantes horticoles importantes, formant des fruits sans fécondation.

La tomate OGM japonaise sans pépins.

Le site grand public américain newscientist.com sur lequel j’ai trouvé cette information la résume à sa façon dans son titre : « Gene editing opens doors to seedless fruit with no need for bees » (L’édition de gène ouvre la porte au fruit sans pépins n’ayant pas besoin des abeilles). Tout est dit : les abeilles deviennent inutiles et cerise sur le gâteau vous n’aurez plus de pépins dans votre salade de tomate. C’est le progrès. L’écolo rétrograde se reconnaîtra bientôt non plus à la bougie qui l’éclaire mais aux pépins dans son assiette !

Une seconde solutions : les robots

Mais toutes les plantes ne peuvent pas bénéficier de ces avancées de la science. Par exemple des arbres fruitiers comme le pommier ou l’amandier ne disposent pas de variétés ayant une production importante de fruits de qualité sans pollinisation par les insectes. Mais là encore, la technologie sera salvatrice : des drones miniaturisés les remplaceront.

Le dessin en 3D du projet de drone pollinisateur Beeonic.

Le n°8 de la web-revue Les Entomonautes a publié en juillet un petit article fort instructif évoquant le sujet. Plusieurs équipes, des États Unis au Japon en passant par l’Europe, rivalisent d’inventivité en la matière. Certaines n’en sont qu’au concept, comme Beeonics, d’autres ont construits des prototypes. Avec d’évidentes arrière-pensées commerciales, le déclin des abeilles ouvrant la perspective de juteux marchés avec les agriculteurs.

Bientôt, l’un des arguments les plus forts des protecteurs de la biodiversité, les services qu’elle rend pour la pollinisation des cultures, risque de ne plus être pris en compte par nos décideurs puisque des solutions technologiques alternatives, facteurs de sacro-sainte croissance, existeront. Nous vivons une époque formidable, comme disait Reiser.