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Aster, Chenilles, Disparition, Inachis io, Ortie, Paon du jour, Petite tortue, Vulcain
Aujourd’hui, je viens d’observer mon premier paon du jour de l’année. Posé sur le chemin du marais, il se chauffait aux rayons du soleil déjà ardent de la fin de matinée. Il y a un an, il ne me serait jamais venu à l’idée d’écrire un article sur un sujet aussi mince et banal. Mais l’année dernière a été catastrophique pour la reproduction de ce papillon dans mon coin de campagne.
Un effondrement spectaculaire des populations
Le paon du jour est resté jusqu’à l’an dernier l’un des papillons les plus communs de mon jardin et de ses environs. Il abondait dans le marais en contrebas, où l’ortie qui nourrit sa chenille pousse partout le long des chemins. Alerté par le précédent de la petite tortue, que je n’ai pas revu chez moi depuis 12 ans alors qu’elle était commune autrefois (voyez les articles que je lui ai consacrés ici et ici), j’ai été inquiet de ne voir quasiment aucune chenille sur les orties du marais en août. Le long d’un circuit d’un kilomètre et demi, je n’ai vu qu’un nid de chenilles alors que d’habitude je pouvais en voir tout au long du chemin, certains se touchant presque.
Des asters déserts
J’ai donc surveillé mes massifs d’aster lors de leur floraison en octobre. Ils attirent tous les butineurs actifs en automne, abeilles, guêpes, mouches et papillons, notamment piérides, paon du jour, vulcain, robert-le-diable. L’un de mes amis, le regretté Emile Rabiet, m’avait envoyé un jour une photo prise dans son jardin de Melle d’une touffe d’asters chargée de paon du jour. On en comptait 8 à quelques centimètres les uns des autres.
Cette photo m’apparaît aujourd’hui comme un témoin précieux d’une époque d’abondance qui semble révolue. Si j’ai pu observer quelques piérides et quelques vulcains, moins nombreux que d’habitude, pas un seul paon du jour. Mon impression semble se confirmer, le paon du jour autrefois si commun est devenu rare.
Un papillon de fin d’hiver
Passant la mauvaise saison à l’état adulte, le paon de jour est l’un des premiers à voler à la fin de l’hiver quand la température se réchauffe suffisamment. D’habitude, je l’observe fin février ou début mars, avec le vulcain. J’ai bien vu des vulcains à la date attendue, mais le paon de jour s’est fait attendre un mois et demi. Les tircis que j’ai évoqués en mars sont apparus en nombre avant lui, ce qui est inhabituel.
Le paon du jour semble en train de basculer de la catégorie d’insecte commun à celle d’insecte rare, comme bien d’autres. Son cas est particulièrement spectaculaire car papillons comme chenilles, très visibles, étaient encore très abondants il y a peu. Trou d’air passager ou tendance de fond ? Réponse en août quand les chenilles de la deuxième génération, la plus abondante, devraient être visibles.
alexandre cam a dit:
Bonjour. Je ne suis pas tombé sur votre blog « par hasard ». En effet, je suis en train de (re)lire votre livre « Un jardin pour les insectes » (C’est bien vous qui en êtes l’auteur n’est-ce pas ?) et je voulais en savoir davantage sur vos idées de naturaliste.
Je partage également une grande passion (en tant qu’amateur, pas connaisseur…) pour les « petites bêtes » et plus particulièrement les papillons. Je tenais à réagir sur votre inquiétude de la forte régression de la petite tortue.
Je suis belge et participe depuis 3 ans au comptage des papillons avec Natagora (l’équivalent de Noé Conservation pour la France).
Je tenais à vous signaler que la Petite tortue a battu tous les records de présence dans les jardin de Belgique depuis plus de dix ans, avec parfois 5 générations observées ! C’est dire si l’on peut appeler cela « un come back ».
Par contre, on décrivait le magnifique Machaon comme devenu très rare !! Pourtant, j’en observe (et en élève) chaque année dans mon jardin ! Comme quoi la notion de rareté est toute relative…
Quoi qu’il en soit, poursuivez bien votre travail, j’apprécie beaucoup vos idées et les partage en grand nombre.
Alexandre de Ath (Belgique), 33 ans, marié et papa de deux petites filles que j’essaie d’éduquer au mieux dans le respect de la nature.
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vincentalbouy a dit:
Bonjour Alexandre,
Je suis bien l’auteur du livre « Un jardin pour les insectes ». Merci pour vos informations sur la petite tortue. Elles corroborent ce qu’on peut observer en France : cette espèce reste commune en montagne et dans le nord-est. Il semble donc qu’elle fasse partie dans ma région des victimes du changement climatique. Nous avons plus de cigales, mais beaucoup moins de petites tortues !
Je suis heureux de savoir que le machaon résiste bien en Belgique. Il reste un papillon commun en Charente maritime. J’observe chaque année adultes et chenilles dans le jardin ou dans les environs sans avoir besoin de les chercher. Au nord de la Loire, son statut est plus fragile. Bien que je n’habite plus en région parisienne depuis 30 ans, j’y retourne régulièrement et je n’ai plus observé de machaon depuis les années 1970. Mais en 40 ans l’urbanisation s’est tellement intensifiée dans la banlieue où je suis né qu’il ne reste plus aucun des espaces semi-naturels dans lesquels j’ai fait mes premières observations naturalistes. L’autoroute A4 et la ville nouvelle de Marne la vallée sont passées par là.
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alexandre cam a dit:
Bonjour
Tout d’abord, merci d’avoir répondu à mon commentaire si rapidement (rassurez-vous, je n’attends pas de réponse de votre part, je vous écris simplement pour vous transmettre une information).
Voici le lien (j’espère qu’il fonctionne… un petit copier coller dans la barre d’adresse) concernant le recensement des papillons de Belgique (à titre informatif) de l’édition 2014 (août).
J’espère que la prochaine édition sera encore meilleure.
Je dois dire que certains été, j’ai la chance d’observer des papillons plus « sudistes » que je ne vois pas si souvent (comme le Souci (colias)).
Par contre, je n’ai jamais pu observer le sphinx tête de mort (qui pourtant a été trouvé dans une ruche à 2 km de chez moi). J’espère naïvement en voir une fois sur mes plants de pommes de terre…
http://www.natagora.be/index.php?id=800
Bonne lecture (ce n’est pas bien long).
Alexandre (Belgique)
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vincentalbouy a dit:
Bonjour Alexandre
Le lien fonctionne, je l’ai testé. Je vois dans mon jardin 8 des espèces du Top 10 des papillons des jardins de Wallonie : je n’ai plus observé la petite tortue depuis 12 ans, et jamais le tristan. Par contre sont communs dans mon jardin le machaon, l’aurore (peut-être confondu au sein des « piérides » dans la liste wallonne ?), l’azuré de la bugrane, l’azuré des nerpruns et, plus aléatoires, le flambé et le souci. Parmi les papillons « de nuit » visibles de jour, le moro-sphinx est très fréquent.
Quant au phinx tête de mort, je suis comme vous : dans l’attente d’une rencontre. En 25 ans, j’ai trouvé deux ou trois cadavres de papillon, on m’a apporté une belle chenille ramassée dans un carré de pomme de terre du village voisin, mais je n’ai pas eu la chance d’observer le papillon vivant ni d’accueillir des chenilles dans mon potager.
Vincent
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alexandre cam a dit:
Bonjour
Une question m’est souvent venue à l’esprit.
Je sais qu’il est possible d’obtenir des œufs, voir de jeunes chenilles pour un élevage en classes (je suis instituteur primaire, donc pour enfants de 6 à 12 ans) du papillon « la Belle Dame » (qui SERAIT (je n’y crois pas trop…) l’un des papillons les plus communs.
A part un spécimen par jour en été (le même ?), ce papillon n’abonde pas chez moi, bien qu’il soit présent, à moins que mon jardin ne soit qu’une « aire de repos » car il est je pense migrateur…
Tout ceci pour en arriver au fait que je me suis souvent demandé s’il n’était pas « possible » de « repeupler » des sites ayant jadis été occupés par certains papillons maintenant disparus ou en très nette régression.
Exemple, une région où la petite tortue pullule ne pourrait-elle pas envisager d’envoyer quelques spécimens (chenilles ou chrysalides) dans une région où l’on ne la retrouve plus ? Si on s’assure d’une suffisance de plantes hôtes (l’ortie est une plante facile…) et d’une nourriture pour les adultes ?
Quand on pense à toutes ces espèces exotiques qui se sont (malheureusement ?) adaptées alors qu’elles étaient parfois à des milliers de km de leurs origines (doryphore d’Amérique du sud, frelon asiatique (j’aime bien les abeilles, elles me passionnent et je commence les cours d’apiculture dans quelques mois…), grenouille Goliath, écrevisse américaine et j’en passe…), pourquoi ne pas tenter l’expérience avec des espèces qui ont déjà vécu à ces endroits auparavant ?
Est-ce dénué de sens ? Est-ce possible, envisageable (j’imagine qu’il faudrait tenter l’expérience avec un maximum d’individus de « souches » différentes pour éviter les consanguinités…).
Avez-vous un avis sur la question ? Je n’ai jamais trouvé de personnes prenant ces considérations au sérieux, sans doute est-ce plus utopique qu’autres choses… mais si j’avais le temps et les moyens…
Alexandre
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vincentalbouy a dit:
Merci Alexandre pour cette contribution au débat, mais je crains que ce soit malheureusement une fausse bonne idée. Réintroduire une espèce ne sert à rien tant que la ou les causes de la disparition ne sont pas supprimées. Et si c’était possible (pas évident dans le cas de la petite tortue si sa très forte régression est due au changement climatique), les populations se reconstitueraient plus vite et plus efficacement par recolonisation naturelle à partir des zones où l’espèce est toujours présente. La nature fait souvent les choses bien mieux que nous. La réintroduction ne se justifie que dans des cas très précis (par exemple quand un obstacle comme un bras de mer empêche toute recolonisation naturelle).
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Noyez a dit:
Bonjour
J ai depuis le mois de septembre 2016 .
Un paon du jour dans ma chambre .
D abord je l ai fais sortir a l aide d une feuille mais il est revenu deux plus tard .
Puis quelques jours apres un second paon du jour .
Aujourd hui il vivent avec moi et je les nourrit.
Ils se posent sur moi de temps en temps
Je suis meme descendu avec un de ses papillons sur ma main pour le montrer à mes parents .
J ai fait quelques photos et quelques videos . c est incroyable .
Je n ose pas en discuter avec d autre personnes , je pense que les gens se poseraient des questions.
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vincentalbouy a dit:
Bonjour Noyez,
Merci pour ce témoignage. les paon de jour, comme les petites tortues ou le citrons, passent l’hiver à l’état adulte. Dans la nature ils se réfugient dans un trou d’arbre, une crevasse de rocher ou une grotte. Les constructions humaines leur offrent plein de cachettes intéressantes. J’en trouve régulièrement dans mon garage et dans ma cabane de jardin.
Ces papillons se gavent de nectar à l’automne pour accumuler des réserves suffisantes pour passer l’hiver sans manger, en vie ralentie sans bouger ou presque.
Quand ils se trouvent dans une pièce chauffée, ils restent en activité et consomment plus vite leurs réserves. Ils risquent donc de mourir de faim avant les premières floraison du printemps. Il faut soit les transférer dans un endroit non chauffé pour qu’ils cessent de s’agiter, soit les nourrir comme vous le faîtes : une goutte de miel diluée dans un peu d’eau de temps en temps.
C’est une expérience merveilleuse que vous vivez en ce moment avec ces deux papillons. Ce n’est pas commun d’établir des relations de ce genre avec des insectes, c’est plutôt réservé aux oiseaux et aux mammifères. N’hésitez pas à en parler autour de vous, si cela vous fait plaisir de partager cette expérience comme avec nous. Je vous donne un petit truc d’animateur pour épater la galerie. Imbibez d’un peu d’eau miellée ou sucrée votre T shirt au niveau de l’épaule et posez un papillon dessus : il restera sans bouger à se nourrir. Si vous répétez plusieurs fois l’opération, le papillon peut venir de lui-même se poser sur votre épaule. Succès garanti auprès des personnes ne connaissant pas le truc ! Et ce sera un beau sujet pour une nouvelle vidéo.
Cordialement
Vincent
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